Dans « Mise en scène de Phèdre » (1942, réédité en 1972) Barrault détaille les moindres mouvements psychologiques des personnages, et comment il les met en valeur sur scène. Il décrit aussi l’essence du récitatif, issu de l’art lyrique et souvent adopté par Racine dans Phèdre. Mais le récitatif tragique est la mimesis de l’affliction profonde:

« Le récitatif est aussi une manifestation naturelle qui a lieu dans certaines situations extrêmes. Qui n’a pas malheureusement assisté — ou même vécu — auprès du cadavre d’un être cher, au phénomène suivant, qui peut donner une idée embryonnaire du « récitatif » ? Près du cadavre, un autre être est là, suffoqué par les sanglots. Son chagrin frise la crise de nerfs. Il est proche de l’étouffement ; mais soudain il s’arrête, il se relève, semble tout à coup se calmer et voilà qu’il a la force, lui, affaibli par la douleur, de faire l’apologie du mort. Pourquoi se fait-il mal ainsi ? C’est une véritable envolée, il ne tarit pas d’éloges, il retrace ses moindres vertus, ses plus admirables actions. Dans la courbe qu’il décrit, il en arrive à la maladie de l’être aimé, puis la mort apparaît qui vient ravir ce dernier. Le voilà redescendu sur terre, il prend de nouveau conscience de la réalité ; aussitôt, avec le désespoir, les sanglots reparaissent et il est de nouveau en proie à cette pénible agitation qui menace de lui briser les nerfs. Phèdre est parsemé de récitatifs tous plus beaux et plus purs les uns que les autres. »